Lors de la quatrième étape, le peloton traverse la province du Limbourg. Nous y rencontrons un dinosaure local, pardon un lézard, et découvrons à quelle vitesse il peut nager. Pouvait-il poursuivre ses proies à la vitesse d’une Porsche ? Ou bien était-il un peu trop lourd pour de telles poursuites à grande vitesse ? Voyons ce qu’il en est de la course-poursuite du mosasaure.
Une grande partie du sous-sol des collines du Limbourg est constituée de calcaire, comme nous l’avons expliqué dans le blog de l’Amstel Gold Race. Il s’agit d’un calcaire appelé (de manière totalement erronée du point de vue géologique) “marne”. Nous savons maintenant que là où nous trouvons du calcaire, il y avait une mer. Elle recouvrait de grandes parties des Pays-Bas à la fin du Crétacé, donc à la fin de l’ère des dinosaures. On trouve parfois des restes de mosasaures dans le calcaire, comme le montre notre vidéo de l’Amstel Gold Race. Faisons connaissance avec notre mosasaure local : le mosasaure qui porte le nom de la rivière Meuse.
Bien qu’ils aient vécu à l’époque des dinosaures et que leur nom se termine par -saurus, les mosasaures n’ont rien à voir avec les dinosaures. Les serpents, les lézards et les mosasaures ont un ancêtre commun. Cela place les mosasaures, ainsi que les lézards et les serpents, dans un groupe de reptiles très différent de celui des dinosaures. Les dinosaures et leurs descendants, les oiseaux, se voient réserver une branche très différente, entièrement distincte, dans l’arbre généalogique des reptiles. Nous avons donc éclairci ce point.
Un prédateur efficace
L’histoire des mosasaures a commencé il y a quelque 100 millions d’années, lorsque leurs ancêtres, semblables à des lézards, sont retournés dans l’eau. En un peu plus de 30 millions d’années, ils sont devenus un groupe de reptiles marins particulièrement performants. On trouve leurs fossiles dans le monde entier. Les plus grands spécimens mesuraient plus de 15 mètres de long. À la fin du Crétacé, les différentes espèces s’étaient emparées de nombreuses niches marines. De grands carnivores nageaient dans les parages, certains avec des dents morphiniques aux proportions du Tyrannosaurus rex, dans lesquelles une tortue de mer pouvait facilement disparaître. D’autres espèces, au contraire, avaient des dents pointues pour attraper les petits poissons, ou des dents noueuses pour casser les huîtres. À la fin de l’ère des dinosaures, les mosasaures se sont également éteints dans la mer, tout comme les dinosaures sur terre.
Pagaie plus dure
Mais comment les mosasaures cherchaient-ils leur nourriture ? Pour certaines proies, il n’est pas nécessaire de savoir nager rapidement. Attraper des huîtres n’est pas un sport de poursuite, et une tortue de mer paresseuse n’était probablement pas non plus un grand défi pour un Prognathodon affamé. Pour surpasser des proies plus rapides et plus agiles, les mosasaures devaient également pédaler ou pagayer rapidement. Pour être plus précis, il fallait utiliser sa queue. La propulsion de ces reptiles marins provenait principalement de leur queue musclée. Les palettes, les nageoires, avaient surtout un rôle de direction.
Le mosasaure qui chassait des proies plus rapides était-il un chasseur ? Un athlète d’endurance ? Ou bien les tactiques de chasse de ces espèces étaient-elles plutôt de courte durée, comme celles d’un sprinter ? Un tel mosasaure était-il tapi, parmi les herbes marines, pour surgir en un clin d’œil en cas de besoin ? Certains mosasaures étaient-ils des “prédateurs embusqués” ?
Zone d’alimentation
Les habitudes alimentaires et les tactiques de chasse des différents mosasaures ont fait l’objet de nombreuses spéculations. Des recherches récentes commencent à nous donner une meilleure idée de leurs habitudes alimentaires. À l’université d’Utrecht, la paléontologue Femke Holwerda a récemment examiné en détail les marques d’usure laissées sur les dents des différents mosasaures du calcaire de Maastricht. Sans surprise, l’émail des dents d’un mosasaure que l’on soupçonnait déjà d’avoir fissuré sa carapace est très abîmé. En revanche, l’émail des dents d’un mosasaure doté d’incisives tranchantes, parfaitement adaptées pour découper de la viande plus tendre, semble beaucoup moins abîmé.
Très occasionnellement, on trouve aussi des mosasaures avec des contenus stomacaux. Au Canada, nous connaissons un fossile de Prognathodon dont l’estomac contenait un morceau de tortue de mer à moitié digéré. Et en Angola, nous avons récemment publié un mosasaure dont l’estomac contenait pas moins de trois morceaux de petits mosasaures à moitié digérés, dont l’un s’est même avéré être un congénère, ce qui est un signe de cannibalisme.
Vitesse de la Porsche
Ce Prognathodon n’a probablement pas eu à nager très fort pour cette bouchée de tortue de mer. La chasse n’était pas ouverte, pour ainsi dire. Il est possible que le mosasaure cannibale ait été un charognard. Mais peut-être que Mosasaurus Hoffmanni, le grand mosasaure aux dents acérées du Crétacé de Maastricht, était en fait un prédateur embusqué ? Dans un récent documentaire diffusé sur Apple TV, Prehistoric Planet, les spéculations vont bon train sur les talents de prédateur embusqué d’un tel mosasaure. Un bon prédateur embusqué doit être capable d’accélérer très rapidement. Ce n’est pas facile quand on est très grand. Mais étonnamment, dans le documentaire, le mosasaure a été récompensé pour ses performances sportives très ambitieuses.
Par exemple, l’accélération d’un mosasaure de 15 mètres – sous l’eau, n’est-ce pas – éclipserait l’accélération d’une Porsche rapide. Quoi qu’il en soit, cela donne des images spectaculaires. Une vidéo d’un animal que personne n’a jamais vu et qui accélère très rapidement d’un puissant coup de queue. Mais cela a-t-il un sens ? Après tout, une accélération sous l’eau digne d’une Porsche quand on mesure 15 mètres de long et qu’on pèse quelques tonnes, ce n’est pas rien. La première loi de la biomécanique est que “les gros objets ne se déplacent pas vite”. De quoi avez-vous besoin pour prouver les affirmations farfelues de Prehistoric Planet ? Analysons la poursuite.
La poursuite
Pour leur mémoire de physique, les lycéens David van der Mark et Wietse ten Hoor se sont penchés sur la gestion de l’énergie chez les reptiles. Ils ont étudié la forme et les dimensions de la queue. Quelle était la vitesse de la poursuite ? En dessous de la ligne, ce ne sont pas des sommes très différentes de celles que les scientifiques du mouvement et les physiologistes du sport peuvent faire à propos des performances maximales des cyclistes. Une certaine quantité de tissu musculaire peut brièvement atteindre une certaine puissance de sortie pour poursuivre une attaque ou sprinter jusqu’à la ligne. Un mosasaure ne peut donc pas accélérer en une seconde plus que ce que ses muscles peuvent fournir en puissance maximale. Cela semble évident, mais David et Wietse ont réussi à soulever quelques questions critiques sur les affirmations des réalisateurs du documentaire.
À quelle vitesse un cycliste gravit-il le Cauberg ? Combien de spaghettis faut-il pour franchir une étape du Tour de France ? Et à quelle vitesse pouvez-vous accélérer une queue avec 1 000 kilos de tissu musculaire sous l’eau ? Toutes ces questions concernent la gestion de l’énergie. David et Wietse ont eu beau se creuser la tête, le mosasaure ne s’est certainement pas déplacé plus vite que la voiture de sport rapide mentionnée plus haut dans leurs calculs sous l’eau.
Si vous vous cachiez parmi les herbes marines il y a 66 millions d’années, vous n’auriez pas non plus besoin de battre une Porsche au sprint au feu rouge – à condition d’être plus rapide que votre proie, et peut-être assez invisible pour la surprendre au dernier moment. C’est tout ce dont vous avez besoin. Il suffit d’être intelligent. Qui sera plus malin que ses concurrents dans la course-poursuite d’aujourd’hui ?