Géologie de l’Amstel Gold Race

Dans la seule véritable classique néerlandaise de printemps, les coureurs profitent des magnifiques paysages du Limbourg méridional lors de l’Amstel Gold Race. La région est connue pour ses collines. Il est donc tout à fait adapté à une course cycliste ! Outre ces différences d’altitude, qui sont particulièrement importantes pour les Pays-Bas et entraînent de nombreux maux de jambes, la région est également connue pour la beauté de sa géologie. Des plus anciennes formations géologiques exposées aux calcaires marins et aux sables verts, en passant par les dépôts de Löss balayés par le vent, l’Amstel Gold Race a tout pour plaire ! Et pour couronner le tout, il y a les montées acharnées de l’escalier des terrasses de la Meuse jusqu’au paradis (espérons-le) de l’arrivée ! C’est la géologie de l’Amstel Gold Race.

Après le départ à Maastricht, les 15 premiers kilomètres vous emmènent à travers les terrasses de la vallée de la Meuse. La première montée porte même le nom de Maasberg. L’histoire géologique de la Meuse jouera un rôle important dans cette course. Le parcours sinueux de l’Amstel Gold envoie les coureurs en haut de l’escalier des terrasses de la Meuse. Le paysage ressemble à un escalier car il est caractérisé par des sections relativement plates séparées par des pentes courtes mais raides. Mais que sont exactement les “terrasses fluviales” et pourquoi dominent-elles l’Amstel Gold Race ?

L’escalier du paradis

Les rivières façonnent les paysages par l’érosion et le dépôt de sédiments. L’érosion se produit lorsque l’eau en mouvement use les roches et le sol, tandis que le dépôt se produit lorsque les sédiments transportés par l’eau se déposent. Ces processus forment des éléments tels que les bancs de sable et de gravier, les berges des rivières et les plaines d’inondation. Lorsqu’une rivière entaille le paysage environnant, elle laisse derrière elle une plaine fluviale abandonnée. Nous les appelons terrasses fluviales.

géologie de l'amstel gold race
La formation des terrasses fluviales est décrite en détail. L’alternance entre les glaciations et les interglaciations a entraîné des changements dans la couverture végétale et des changements associés dans l’approvisionnement en eau et en sédiments de la rivière. Cela a non seulement modifié les schémas d’érosion et de dépôt de la Meuse, mais aussi la forme du fleuve, qui est passé d’un méandre à un tressage et vice-versa. Avec le soulèvement du Limbourg méridional, cela a formé l’escalier des terrasses fluviales de la Meuse. (Figure reproduite de Stouthamer et al., 2015).

En général, pendant les périodes glaciaires froides des deux derniers millions d’années, la Meuse a formé une large plaine fluviale en tresses, composée principalement de sable et de gravier. Les cycles climatiques naturels ont entraîné une modification du débit des rivières et une augmentation de la couverture végétale. Cela a entraîné une réduction de l’apport en sédiments. Par conséquent, le tracé de la Meuse s’est transformé en méandres pendant les périodes plus chaudes entre les périodes glaciaires. C’est principalement au cours de ces interglaciaires chauds que la rivière s’est incisée, laissant derrière elle, sous forme de terrasse fluviale, la plaine fluviale glaciaire riche en sable et en gravier de la glaciation précédente. Terrasse. Incision. Nouvelle terrasse. Nouvelle incision. On obtient alors une forme d’escalier.

Cette alternance de glaciations et d’interglaciations ne suffit cependant pas à expliquer les 31 ( !) niveaux de terrasses du Limbourg méridional. Il faut un autre processus géologique pour arriver à cette grande série de terrasses fluviales. Nous poursuivons avec la géologie de l’Amstel Gold Race en remontant quelques millions d’années supplémentaires.

La route est semée d’embûches !

Entre les kilomètres 22 et 27, les coureurs traversent l’une des plus grandes fractures du sous-sol néerlandais. Il s’agit de la faille de Heerlerheide, qui fait partie du système de failles de Feldbiss. Il s’agit aujourd’hui d’une petite bosse, mais elle était autrefois tristement célèbre pour ses nombreuses perturbations dues à l’exploitation souterraine du charbon.

Un aperçu du soulèvement du Limbourg méridional près d’Urmond. Une tranchée a été creusée à cet endroit à travers la faille de Heerlerheide. La paroi de la tranchée montre la faille est magnifiquement due à la présence de deux dépôts différents de part et d’autre de la faille. On peut voir un épais paquet de löss à gauche, et les dépôts graveleux et sablonneux du sommet d’une terrasse de la Meuse (recouverts d’un peu de löss) à droite.

Le système de failles de Feldbiss existe depuis longtemps (il y a environ 6 millions d’années) et est toujours actif. Elle provoque parfois des tremblements de terre dans le sud du Limbourg et dans les régions avoisinantes. Le plus célèbre d’entre eux est le tremblement de terre de Roermond en 1992. Sa magnitude était de 5,8 sur l’échelle de Richter !

Facile à faire

La Vrije Universiteit Amsterdam a creusé une tranchée à travers la faille de Heerleheide au kilomètre 22 pour voir si la faille a été active dans un passé récent. Heureusement, ce n’est pas le cas et le cours peut continuer. Pour l’instant.

Le mouvement ascendant continu, bien que très lent, à travers le système de failles, combiné à l’alternance de périodes glaciaires et interglaciaires, est, surtout depuis le début du Pléistocène (il y a 2,58 millions d’années), important non seulement pour la formation des terrasses fluviales, mais aussi pour leur préservation. C’est cette combinaison unique qui a donné naissance aux 31 terrasses fluviales de la Meuse dans le sud du Limbourg. À l’approche d’Elsloo, les coureurs rencontreront la première étape : le Maasberg, et bien d’autres suivront.

Les animaux

Lorsque les coureurs bifurquent vers l’ouest à Nijswiller après 56 kilomètres, ils traversent la vallée du Geul en direction du plateau de Margraten. Cette région relativement plate est géologiquement connue pour son calcaire. Dans cette zone, les calcaires sableux relativement tendres et (très) fins (formation de Gulpen) et plus jeunes (formation de Maastricht), connus dans le Limbourg sous le nom de marnes, sont présents près de la surface (bien qu’ils soient souvent recouverts d’une fine couche de gravier des Maasterraces). Ces calcaires se sont formés dans un environnement marin au cours du Maastrichtien (il y a 72,1 à 66 millions d’années). Ils sont célèbres pour leur contenu fossile, le Mosasaurus étant l’un des points forts les plus connus. Il ne s’agit pas d’un dinosaure mais d’un lézard. Dans cette vidéo, nous vous expliquons comment.

Reconstruction du squelette d’un Mosasaurus hoffmannii(NHM Maastricht)

Fleurs

Après 107 kilomètres, nous arrivons au Geul près d’Epen. Pendant la pause nature, il est possible de cueillir le fameux zinc violet jaune vif. Avis de non-responsabilité : ne faites pas cela. C’est illégal. Ce violet de zinc est dû aux grandes quantités de métaux lourds, tels que le zinc et le plomb, et autres saletés qui ont été déversées dans le Geul lors de l’exploitation des mines de plomb et de zinc.

Cela se fait depuis le Moyen-Âge à Plombière (le nom dit tout !) et à Moresnet. À l’origine, cette exploitation minière était très rentable. La Prusse (aujourd’hui l’Allemagne) et les Pays-Bas (la Belgique n’était pas encore indépendante) n’ayant pu se mettre d’accord sur l’affectation des bénéfices, cette région est restée un État indépendant pendant plus d’un siècle, de 1816 à 1918. Mini état “Moresnet”, comme une sorte de Monaco ! Mais le minerai n’est plus extractible et “Moresnet” a été dissoute. La dernière mine de plomb a fermé en 1922. Ils en ont même fait un monument !

Point chaud géologique

À 120 kilomètres de la ligne, nous traversons à nouveau le Geul à Epen. Près de cet endroit se trouve la plus ancienne formation géologique exposée des Pays-Bas. En effet, le hotspot géologique de la grotte abandonnée de Heimansgroeve donne un merveilleux aperçu du Carbonifère. On y trouve des grès et des schistes de la formation d’Epen, qui se sont déposés il y a 326 à 313 millions d’années dans une mer peu profonde où se sont déposés du sable et de l’argile.

On peut voir de petits brachiopodes (Lingula) et des traces de sépulture dans les couches de grès. Ces couches sont, d’un point de vue géologique, légèrement plus anciennes que les couches de charbon plus épaisses et anciennement exploitées. Malheureusement, le panneau affiché dans la carrière pour clarifier la situation est incorrect. Les créateurs du panneau n’ont pas vu le pli et ont peut-être confondu les fissures de pression bien développées dans le schiste avec des couches sédimentaires. Par contre, Wikipédia a raison ! Le pli s’est formé au cours de l’orogenèse varistique, une période de formation de montagnes il y a environ 300 +/- 40 millions d’années, lorsque les supercontinents Gondwana et Laurussia sont entrés en collision pour former un continent encore plus grand, la Pangée.

Les plus grands événements géologiques à l’échelle mondiale reviennent dans la géologie de l’Amstel Gold Race. C’est ce qui rend tout cela si fascinant.

Mise en évidence

C’est à partir de ce point situé loin dans le temps que, après avoir traversé Vijlen jusqu’à Vaals, commence l’ascension de l’escalier de Vaalserberg. Ce point des trois pays permet aux coureurs de gagner environ 140 mètres d’altitude pour atteindre non seulement le point le plus élevé des Pays-Bas (partie européenne) à 322,4 mètres, mais aussi le point des trois pays entre les Pays-Bas, la Belgique et l’Allemagne.

géologie de l'Amstel Gold Race
Le parcours (en rouge) de l’Amstel Gold Race à travers la géologie du Limbourg méridional (carte source : Service géologique des Pays-Bas).

C’est d’ailleurs dans cette région que la Formation de Vaals est présente à la surface ou à proximité. Ces sables verts glauconieux et ces grès argileux se sont formés dans un environnement marin peu profond à la fin du Crétacé et sont généralement recouverts dans le reste du Limbourg méridional par les calcaires plus jeunes des formations de Gulpen et de Maastricht. Il est donc particulièrement intéressant de pouvoir observer les dépôts de la formation de Vaals dans les affleurements situés le long des virages en épingle à cheveux de l’ascension. Mais les coureurs ont-ils l’œil ? Nous espérons toutefois pouvoir surprendre les téléspectateurs avec ces connaissances.

Cauberg

À 81 kilomètres de la ligne, nous montons pour la première fois sur le Cauberg. Là, nous grimpons sur une épaisse couche de calcaire de Meerssen traversée par des réseaux de grottes. Les Limbourgeois préfèrent parler de “groeve”, c’est pourquoi la grotte municipale porte le nom de Valkenburgergroeve. Pensez également au Sibbegrubbe (groeve).

On trouve aussi löss (comme dans Paris-Roubaix). Il s’agit d’un dépôt caractéristique soufflé par le vent, composé principalement de limon, qui s’est formé pendant les périodes glaciaires. Pendant ces périodes, la mer du Nord était sèche car une grande partie de l’eau était stockée dans de vastes étendues de glace terrestre. En outre, il n’y avait pratiquement pas de couverture végétale pendant ces périodes froides, ce qui a facilité le transport de la fraction fine du limon par le vent vers les hauteurs du Limbourg méridional. Cette couche de löss s’est déposée presque partout dans le sud du Limbourg et, surtout sous le vent des vallées fluviales, elle atteint parfois jusqu’à 10 mètres d’épaisseur. Les dépôts de löss couvrent donc en partie les différences de hauteur entre les terrasses fluviales de la Meuse, leur donnant parfois une pente plus douce qu’à l’origine. C’est dommage. Juste avant Angliru, sur les flancs du Cauberg.

Blocs de construction

On trouve autour du Cauberg un ensemble de calcaire relativement dépourvu de couches de nodules de silex, ce qui a rendu le calcaire tendre et poreux relativement facile à découper en blocs par les scieurs de marne. Ils le font depuis 1500. Si vous traversez la campagne vallonnée du Limbourg méridional, vous verrez partout des bâtiments et des fermes construits à partir de ces blocs de calcaire. Ces blocs semblent bien trop mous pour construire des maisons. Mais une fois que l’on construit avec eux, les blocs deviennent de plus en plus solides.

Lorsque la pluie remplit le calcaire d’eau, une partie de la chaux contenue dans l’eau interstitielle se dissout. Cette eau se déplace vers la surface du bloc, où elle s’évapore et où la chaux précipite et remplit les pores. Ils se renforcent donc progressivement, mais l’intérieur reste fragile. Il ne faut donc pas faire de trous sur la surface, sinon le bloc se creusera de l’intérieur. Ce type d’altération porte un nom : l’altération tafoni.

Météore lointain

Dans le final, nous faisons deux fois le Geulhemmerberg. Sans s’en douter, près de la maison dans la grotte, les cavaliers passent un petit niveau entre deux couches de calcaire, entre le calcaire de Meerssen et le calcaire de Geulhem. Cela reflète un événement qui a complètement bouleversé le monde il y a 66 millions d’années. L’impact géant de la météorite de Chicxulub au Mexique a ensuite mis fin au royaume des dinosaures et des mosasaures, ouvrant la voie aux ancêtres des pédaleurs en sueur. Dans ce clip, vous pouvez voir cette fine couche qui a eu un impact énorme sur le plan géologique et historique. Sans cette météorite, nous n’aurions peut-être jamais évolué vers l’homme à deux roues sur le Geulhemmerberg.

La ligne très fine, plus foncée, située près du plafond, s’appelle la limite KT et indique le moment exact où les dinosaures se sont éteints.

Enfin

La finale comprend également deux fois le Bemelerberg, qui fait également partie des terrasses de la Meuse. Ici aussi, on peut admirer la belle craie de Maastricht et les dépôts de la Meuse. Espérons que les coureurs pourront profiter de la géologie fascinante de l’Amstel Gold Race. Il s’agit d’une course cycliste classique avec un bord géologique doré à travers le magnifique paysage du Limbourg du Sud. Peut-être pourrez-vous un jour y retourner et vous émerveiller de ses trésors géologiques.

Marjolein explique comment une mer tropicale a permis de construire les maisons le long du parcours. Elle a également trouvé une bête de mer……

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