Le stress s’est sûrement accumulé après six étapes et le puissant Toumalet qui se profile à l’horizon. Mais saviez-vous que la terre peut aussi être stressée ? Jusqu’à l’effondrement.
Nous sommes dans les Pyrénées avec des montées comme le Col d’Aspin (12km à 6,5% de pente) et le Tourmalet (17,3km à 7,3% de moyenne). Après avoir franchi la ligne d’arrivée, les coureurs et les spectateurs pourront contempler les magnifiques sommets pyrénéens du Pic du Midi de Bigorre et du Massif du Néouveille. Grâce à la tectonique des plaques, nous pouvons voir ces montagnes et les escalader. Nous rencontrerons plus tard la pionnière Marie Tharp, qui a joué un rôle déterminant dans ce domaine.
Les roches des Hautes Pyrénées se sont formées à la suite d’une collision continentale et d’une édification de montagnes qui a commencé il y a plus de 350 millions d’années. Nous avons déjà lu des articles à ce sujet. Les sommets du sud de la France et du nord de l’Espagne conservent des traces particulières de cette histoire. A proximité, le Massif du Néouveille est un exemple célèbre de ce qui peut arriver aux roches au cœur des chaînes de montagnes lorsqu’elles sont soumises à des pressions et à des températures tectoniques immenses !
Meltdown
Les montagnes étaient stressées et elles se sont effondrées. Pouvez-vous les blâmer ? Les pierres sont comme les gens, après tout. Ils sont stressés. Et lorsqu’ils sont stressés – tout comme les gens – parfois ils se plient, parfois ils se cassent, et parfois ils s’effondrent. Les Hautes Pyrénées enregistrent tout cela. Il y a des plis, des cassures et des effondrements lorsque les montagnes se sont élevées en réponse aux forces tectoniques et aux collisions qui ont construit puis déchiré le supercontinent Pangée !
Alors, que dire de cet effondrement ? De nombreuses roches des plus hauts sommets sont des granites. Il s’agit de roches ignées qui se forment à partir du refroidissement et de la cristallisation de roches fondues. À la fin de l’édification des montagnes du Variscan, il y a environ 300 millions d’années, des volumes incroyables de roches fondues se sont formés et ont pénétré dans la croûte terrestre. Imaginez les Andes d’aujourd’hui ou les histoires du Vésuve, avec des éruptions extrêmes et désastreuses, et vous aurez fait la moitié du chemin. À ce moment-là, il y aurait eu une expression spectaculaire à la surface de la Terre (quelqu’un a dit feu d’artifice ?).
Fenêtre de feu
Tout ce qui vous vient à l’esprit lorsque vous imaginez un “volcan” n’est en fait que la partie émergée de l’iceberg. Sous cette tache volcanique de surface se cache un monde de feu et de flammes – de vastes chambres de stockage de matériaux en fusion. Aujourd’hui, dans les Hautes Pyrénées, nous avons une rare occasion de voir la plomberie profonde du système volcanique. En effet, la partie supérieure s’est érodée depuis longtemps. Une fenêtre sur le monde souterrain enflammé !
En fait, les géologues ne savent pas pourquoi il y a tant de granit dans les Pyrénées. Il est difficile d’expliquer les volumes étonnants de roches fondues cristallisées provenant uniquement de la fonte des matériaux déjà présents. Certains scientifiques ont montré que les roches sont devenues si chaudes qu’elles ont commencé à fondre. D’autres affirment que la majeure partie du magma provient d’un autre endroit, comme le manteau. En réalité, l’alchimie suggère qu’il s’agit des deux. Nous obtenons ainsi le meilleur des deux (sous-)mondes ! Pensez-y la prochaine fois que vous rendrez visite à un ami qui a installé un nouveau comptoir en granit dans sa cuisine…
Ce qui monte doit redescendre. Les montagnes ne font pas exception. Après la fonte de 300 millions d’années, la chaîne de montagnes a été érodée et les continents se sont déchirés et étirés. Un océan s’est formé entre eux. Puis, comme un accordéon, l’océan a été écrasé et repoussé dans le manteau, et les montagnes se sont élevées à nouveau.(voir aussi l’étape 9 pour la triste fin du bébé océan).
Pionnier : Mary Tharp
La naissance et la mort continues des fonds marins constituent l’une des meilleures preuves de la théorie de la tectonique des plaques. C’est grâce à ce phénomène d’ouverture et de fermeture en accordéon que l’on peut expliquer les processus de formation des montagnes d’hier et d’aujourd’hui.
Ironiquement, la capacité des géologues à expliquer la formation des plus hautes montagnes provient d’observations faites dans certains des endroits les plus profonds de la planète : le fond des océans.
Qui aurait cru que la cartographie du fond des océans nous renseignerait sur les formations montagneuses ? Elle est attribuée à Marie Tharp. Géologue et cartographe océanographique américaine de renom, ses cartes des fonds marins ont imposé le changement de paradigme et l’acceptation de la tectonique des plaques.
Avant les années 1950, nous en savions moins sur les fonds marins que sur la surface de la lune. Mais Tharp a utilisé des profils de sondage acquis par des sous-marins de la marine américaine sur des segments de l’océan Atlantique Nord et a remarqué une entaille en forme de V qui réapparaissait constamment dans la bathymétrie.
C’est ainsi que Tharp a découvert la dorsale médio-atlantique, la plus longue chaîne volcanique continue de la planète. Une vallée de rift qui marque la ligne de démarcation le long de laquelle le plancher océanique se déchire, donnant continuellement naissance à un nouveau plancher océanique. Plus elle regardait, plus elle remarquait que l’axe de propagation courait continuellement autour du globe, comme les coutures d’une balle de baseball.
Grâce à cette découverte, d’autres pièces du puzzle de la tectonique des plaques se sont mises en place en un clin d’œil. Enfin, les explications de la dérive des continents, de l’emplacement des tremblements de terre et des volcans ont toutes un sens. Et c’est grâce aux mouvements des plaques, à la naissance et à la mort des océans et aux collisions au ralenti entre les morceaux de continents, que nous avons des montagnes sur Terre.
Discussion entre filles
L’héritage de Tharp résistera à l’épreuve du temps. Elle a persévéré à une époque où les femmes étaient non seulement découragées par la science, mais aussi explicitement écartées des possibilités de travail sur le terrain. Les idées ont été rejetées comme des “discussions de filles“. Ses incursions dans les territoires inexplorés de son époque – tant sur le plan géologique que professionnel – lui valent une place de choix dans le panthéon de la science.