Le profil peu marqué de l’étape d’aujourd’hui favorise clairement les sprinters. Cependant, les collines peu profondes abritant des vignes et des vaches en pâture ne sont qu’un voile superficiel drapé sur d’énormes monts qu’aucun cycliste ne songerait à gravir.
Sous le tarmac se cachent de gigantesques colonnes de sel, appelées diapirs de sel, qui s’élèvent à plus de 2000 mètres de profondeur. L’un de ces diapirs est en fait à l’origine de la plus grande ville thermale de France et notre point de départ, Dax. Nous y reviendrons plus tard, mais penchons-nous d’abord sur l’origine des diapirs de sel.
250 millions d’années de sédiments
L’étape d’aujourd’hui fait passer les coureurs par le bassin aquitain. Il s’agit d’un gigantesque bassin géologique de roches du socle paléozoïque, d’unesuperficie d’environ 65 000km2. Au cours des 250 millions d’années écoulées, il s’est progressivement rempli de sédiments. Il s’agit d’une alternance de couches de sable, de limon, de carbonates et, oui, d’une puissante et particulière couche d’argile salée. Cette évaporite, comme on l’appelle en termes géologiques, s’est déposée au cours du Trias supérieur (il y a environ 210 millions d’années). C’est une période d’extension tectonique et de formation analogique de nouveaux sous-bassins.
C’était une période climatique chaude, plus chaude que notre climat actuel. Les eaux de surface qui s’écoulaient dans les bassins nouvellement formés se sont évaporées assez rapidement. Il ne restait plus que l’argile salée que les rivières avaient ramassée sur leur passage. Ce processus s’est poursuivi pendant des millions d’années, aboutissant à une couche d’évaporites de plusieurs centaines de mètres d’épaisseur !
Montagnes de sel invisibles et sprinters
D’accord, mais comment ce sel déposé horizontalement s’est-il transformé en montagnes ? Imaginez le peloton de cyclistes professionnels d’aujourd’hui, à l’approche de l’arrivée à Nogaro. A 400 mètres de l’arrivée, les meilleurs sprinters sont toujours cachés derrière leurs hommes de tête. Ensuite, dès qu’ils passent la barre des 200 mètres, la pression monte. Les plus rapides et les plus agiles se faufilent dans les moindres interstices.
Les évaporites étaient nos meilleurs sprinters : pressurisées par les couches plus jeunes, mais lourdes, de carbonates et de sable qui les recouvrent. L’argile salée, plus ductile, s’est engouffrée dans les fissures qui se sont formées lors d’une autre phase d’extension au Crétacé inférieur (il y a environ 120 millions d’années). Un peu plus tard, les crêtes de sel actuelles ont été écrasées par le sud lorsque l’Ibérie est entrée en collision avec l’Eurasie. C’est cet événement qui a soulevé les Pyrénées (il y a 60 à 20 millions d’années). Et voilà, nous y sommes : des montées d’argile salée, abruptes, déformées, invisibles, juste sous nos pédales.
Prenons un bain !
Génial, le spa en plus ! Eh bien, à environ 75 km au sud de Dax, les précipitations pyrénéennes s’infiltrent dans les calcaires fissurés du Crétacé. Cette eau s’écoule vers le nord, sous terre, en aval à travers le calcaire plissé jusqu’à une profondeur d’environ 2 km, jusqu’à ce qu’elle atteigne notre « Diapir de Dax ». Vous souvenez-vous de la manière dont le sel a été fortement pressé ? Sa force brute a fait plier vers le haut le calcaire sus-jacent qui accueillait l’eau.
C’est pourquoi aujourd’hui, après un voyage de 20 000 ans, l’eau qui se précipite dans les Pyrénées peut remonter le long des flancs du diapir. Là, il se réchauffe (le sel est un excellent conducteur de chaleur géothermique) et se charge en minéraux salés. Cette eau finit par jaillir en de multiples endroits de la région. La plus célèbre est la Fontaine Chaude, cœur de Dax depuis l’époque préromaine. Avec un flux annuel de plus de 2’000’000 litres et une température de 64 degrés Celsius, cette source mérite bien son nom.
Voyons maintenant quels sont les coureurs qui valent leur pesant de sel.